LA GÉOGRAPHIE ET LE GAZ

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Dans notre école de management, on apprend aux élèves à compter, pas seulement pour rattraper ce qu’ils n’ont pas reçu en secondaire, mais surtout pour satisfaire aux besoins engendrés par leur profession ; et aussi pour écouter les bruits de ce monde non pas en foule compacte, mais avec des oreilles de managers. Par exemple, quand ils entendent dire que l’Union européenne envisage de se passer totalement du gaz russe au long de la décennie à venir pour recourir aux gaz américain, arabe ou autre. Pour la commodité de notre petit exercice de calcul, ne parlons que du gaz américain.

Rappelons que la France est moins concernée que ses partenaires par ce problème, puisqu’elle n’est dépendante de la Russie que pour 11% de son approvisionnement en gaz, contre 42% venant de Norvège, par exemple ; contrairement à l’Allemagne, première puissance économique du Vieux continent, très grande consommatrice de gaz puisqu’elle a renoncé au nucléaire, et dépendante pour 55% du gaz russe ; dépassant largement la moyenne européenne qui est de 40%. C’est donc plus pour les autres pays européens que nous allons faire un petit calcul.

L’ALTERNATIVE AU GAZ

Si l’on renonce au gaz sorti du sol et acheminé par les différents gazoducs qui traversent notre continent d’est en ouest, il faudra recourir à des navires de transport qu’on appelle des méthaniers. Ne parlons même pas du prix, qui sera de toute façon supérieur, surtout celui du gaz américain prospecté dans le schiste, dont le prix de revient est donc plus élevé ; restons-en à la seule question du transport maritime, qui implique la transformation du gaz en liquide, puis sa retransformation en gaz quand il est parvenu à bon port.

Aujourd’hui, le monde entier possède un peu moins de 600 méthaniers, ayant chacun une capacité moyenne de 140.000 m3 de gaz – le plus gros des méthaniers, de fabrication sud-coréenne, transportant du gaz qatari, atteint 260.000 m3, mais c’est exceptionnel, et restons-en à notre moyenne de 140.000 m3.

Si l’on multiplie cette capacité par les 600 méthaniers, on atteint 84 millions de m3. En considérant qu’une livraison entre les Etats-Unis et l’Europe, aller-retour, prend en tout un mois, si l’on multiplie par douze, l’Union européenne recevrait d’Amérique un peu plus d’1 milliard de m3.

A comparer avec les 150 milliards de m3 que livre la Russie – sur les 400 milliards que consomme l’Union européenne.

Donc, pour atteindre ce chiffre, il faudrait multiplier par environ cent cinquante.
Pour cela, multiplier également le nombre de méthaniers, à supposer que l’Union européenne en soit la seule destinataire et qu’ils appartiennent tous aux Etats-Unis. C’est sans compter avec la Chine, par exemple, qui à elle seule importe 140 milliards de m3 de gaz par an.

LA CONCLUSION SUR LE GAZ

Il saute aux yeux, ou plutôt il saute sur la calculatrice, que les déclarations euro-américaines ne peuvent être que des effets d’annonce, et qu’il est impossible à l’Union européenne de se passer du gaz russe « dans la décennie », comme il est dit. Nous sommes ici au cœur de la réflexion géopolitique, qui commence par cet enseignement d’un premier ministre grec du début du XXe siècle, Eleuthère Venizélos : « On ne peut rien contre la géographie ».

 

Sources :

• https://www.choisir.com/energie/articles/132647/terminal-methanier-utilite-et-fonctionnement

• https://www.lesechos.fr/monde/chine/gaz-la-chine-renforce-ses-liens-avec-la-russie-1153027

 

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