Churchill disait que la prédiction était difficile, surtout s’agissant de l’avenir… Cette boutade doit ici nous servir à mieux appréhender les cycles économiques, étant bien entendu que l’économie de marché repose en partie sur la confiance qu’elle inspire aux investisseurs.
C’est pourquoi, lorsqu’en mars dernier nous avions commenté la faillite de la Silicon Valley Bank, suivie d’autres faillites de banques très impliquées dans le secteur high-tech, nous avions bien précisé qu’on ne comprendrait pas pourquoi ni comment la contagion pourrait s’étendre aux autres secteurs, ni même au système bancaire mondial.
2023, année de crise mondiale ?
On a beaucoup entendu dire que les leçons de la crise de 2008 n’ont pas été apprises, que la finance était de nouveau laissée à elle-même ; or la gestion de la crise engendrée par la faillite de SVB l’a bel et bien empêchée d’infecter le système tout entier, ce qu’on appelle une crise systémique. Il faut dire en effet qu’après 2008, une succession d’accords internationaux ; Bâle 1, 2 et 3, ce dernier signé en 2010, mis en place en 2019, se sont donné pour objet d’adopter des principes de fonctionnement qui permettraient d’éviter une nouvelle déroute.
Par exemple, l’exigence d’un ratio de solvabilité des banques de 10,5%. Or, la SVB et les autres établissements emportés par le krach de mars dernier avaient fait le choix de ne pas s’assujettir aux règles internationales : par exemple, la part des dépôts non-assurés y était de 85%, contre moins de 30% dans le système bancaire français.
Puisque nous parlons de la France, restons y : au moment du krach en Californie, le ratio de fonds propres était dans notre pays de 15, 5%, donc très au-dessus des 10,5% adoptés par l’accord de Bâle 3.
Management de la crise
Reste le management de la crise : nous avions dit en mars que l’on pouvait trouver parmi les décideurs des pompiers pyromanes pour jeter sur le feu de l’essence qu’ils prendraient pour de l’eau. Heureusement, cela ne s’est pas produit. Aux Etats-Unis, la Federal Deposit Insurance Corporation a tout de suite garanti l’intégralité des dépôts des banques faillitaires, même pour les comptes supérieurs à 250.000 $, ce qui d’ailleurs était le cas de la majorité des dépôts.
En Suisse, les autorités ont injecté des liquidités et facilité le rachat du Crédit suisse par UBS en offrant, là aussi, des garanties substantielles, tout en précisant bien que la plus grande partie des pertes seraient à la charge des actionnaires. De fait, les investisseurs dans le Crédit suisse ont tout perdu. Telle est la loi de notre système : à intervalles irréguliers, couvrant environ 10% du temps, une grande purge se produit pour modérer la spéculation qui, mécaniquement, a tendance à gonfler comme une bulle, précisément parce que les marchés financiers ne sont pas rationnels, mais se développent sur la seule confiance.
Des analyses à prendre avec précaution…
A cet égard, il convient de considérer avec précaution les analyses, certes rationnelles et même brillantes, de certains commentateurs qui ont souvent de bonnes raisons de prévoir le pire : ils théorisent, dans un domaine où les acteurs sont conduits par leur confiance, donc leurs émotions. C’est justement pour cela que les accords de Bâle ont prévu des garde-fous à ces émotions, par nature irrationnelles. Ainsi, sachant que les crises occupent environ 10% du temps cyclique, nos Cassandre de l’économie se trompent neuf fois sur dix, mais, de même qu’une pendule en panne vous donnera toujours deux fois par cycle la bonne heure, il arrive nécessairement un moment où les événements leur donnent raison. Est-ce de l’anticipation ?
Pas vraiment, c’est au contraire du statisme : vous campez sur le cadran de la pendule marquant deux heures, et une fois par jour, une fois par nuit, votre prédiction se réalisera…
Sources :
Une immense crise financière menace