En chine, la crise sanitaire devient politique
Une crise en cache une autre
Il est impossible d’entrevoir nettement ce qui va sortir des manifestations en Chine, provoquées par la politique de zéro Covid adoptée par le gouvernement. Pour ce qui nous concerne, nous nous étions interrogé dans notre ultime post du mois dernier sur la possibilité d’une révolution de palais contre le président Xi Jinping. Nous n’attendions pas les soucis de ce côté-là mais, souvenez vous, de celui de la crise immobilière qui ruine une partie de la classe moyenne. Mais il va sans dire que dans ce genre de circonstances, une crise s’ajoute à l’autre. Et l’on peut même y ajouter la possibilité d’une rivalité interne au sommet du pouvoir après la clôture du XXe congrès du parti communiste, qui a apparemment renforcé Xi Jinping.
D’habitude, le président réélu à la tête de l’Etat rassemblait autour de lui une équipe plus consensuelle. Même Mao Tsé Toung devait compter avec la force des courants contradictoires. Xi Jinping, lui, a été tellement sûr de sa position qu’il n’a appelé à ses côtés que des affidés. On a même vu son prédécesseur, l’ancien Président Hu Jintao, se faire expulser en pleine séance du Congrès, ce qui était une manière pour Xi Jinping de marquer sa toute-puissance : il est probable que cette arrogance aura attisé les haines, comme il est tout à fait possible que les manifestations soient non seulement approuvées en sous-main, mais peut- être même suggérées ou manœuvrées par une opposition au président siégeant au sommet de l’Etat.
Le refus des vaccins étrangers
Il faut rappeler que le mouvement actuel est la conséquence d’une politique procédant de la même arrogance présidentielle. La Chine, qui selon Xi Jinping est entrée en renaissance, a, par chauvinisme, refusé d’acheter des vaccins étrangers alors que le sien est moins efficace que la concurrence. La conduite générale de la lutte contre la pandémie consistait à confiner au maximum la population, depuis trois ans désormais, ce qui non seulement a fini par l’exaspérer, mais en outre n’a pas permis qu’elle se génère des anticorps. La propagande du régime prétend que la maladie n’a atteint qu’une létalité de 3 sur 1000, mais sans anticorps, la population demeure perpétuellement vulnérable.
C’est en définitive cette même arrogance qui explique l’explosion de la bulle immobilière, comme nous l’avons vu, dans un secteur qui atteignait quasiment 40% du PIB. Il faut rappeler enfin que la dette du pays représente 300% du PIB, alors même qu’elle ne peut pas être financée par la planche à billets aussi bien que le dollar, seule monnaie universelle et non-convertible en or. Enfin, tandis que la population vieillit, un jeune sur quatre n’en est pas moins au chômage.
Ce qui faisait la force de Xi Jinping, c’est que son arrogance pouvait rejoindre celle des Chinois en général, reconnaissants d’être enfin sortis, à partir de Mao, d’une ornière historique humiliante qui a duré des siècles : la population acceptait l’autorité, même liberticide, pour autant que la prospérité lui était offerte et la grandeur nationale rendue. Des décennies de matérialisme communiste -,qui d’ailleurs ne contredisaient pas totalement le matérialisme culturel des Chinois imprégnés de l’enseignement de Confucius selon qui « le Ciel ne parle pas » – ont enfermé la population dans cet échange consenti : la prospérité contre la liberté. Mais trois années presque continuelles de confinement ne l’ont pas seulement privée de liberté, elles ont freiné l’activité économique, donc l’enrichissement ; et, répétons- le, à cette frustration s’ajoute la situation économique en général, qui s’est dégradée.
Il ne restait plus à Xi Jinping qu’une alternative : soit réprimer le peuple en colère, soit assouplir le confinement, quitte à permettre à la grippe, née dans ce pays, de se propager à grande vitesse. Il a choisi le deuxième terme, ce qui entraine deux conséquences.
La première, c’est que désormais la grippe, en atteignant une population qui n’a pas d’anticorps, réduira donc à néant toute la politique sanitaire adoptée jusque-là, et la discréditera forcément : l’image du chef suprême s’en trouvera écornée et sa position fragilisée, car la seule l’infaillibilité peut justifier les pleins pouvoirs, comme Napoléon tant qu’il gagnait toutes ses batailles.
La deuxième, c’est que ce recul politique va mécaniquement renforcer l’opposition au sommet de l’Etat. Assisterons-nous à une déposition pure et simple, ce qui serait la meilleure façon pour le parti communiste de conserver son pouvoir sur le pays ? Nous n’en sommes pas encore là, mais si l’hypothèse peut désormais être formulée, c’est que déjà la contestation de la rue a porté des fruits.