Quelles conséquences après l’Arrêt de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe ?
Le 5 mai dernier, le Tribunal constitutionnel fédéral – plus communément appelé Cour Constitutionnelle – de Karlsruhe, dans l’ancien Grand-duché de Bade, a estimé que l’opération de Quantitative easing lancée en 2015 par Mario Draghi, alors président de la Banque Centrale Européenne, dont la politique d’assouplissement monétaire a été continuée par sa successrice Christine Lagarde, ne correspondait pas au mandat qui lui avait été confié.
On se souvient en effet que, dans l’esprit du Traité de Maastricht, la BCE avait reçu pour mission de veiller à la stabilité de la monnaie européenne, exactement comme naguère la Deutsche Bank avait été chargée de veiller à la stabilité du mark. C’était, pensait M. Mitterrand, le prix à payer pour empêcher l’Allemagne de faire cavalier seul : avoir une monnaie unique et forte, mais en respectant la rigueur allemande. L’annonce de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe est en quelque sorte un rappel de cet accord implicite qui n’a pas été respecté.
Vers un Germanexit ?
Cette annonce a éclaté comme un coup de tonnerre dans un ciel serein – si l’on peut dire, compte tenu du contexte économique mondial. L’Allemagne serait-elle en train de ruer dans les brancards de l’Union européenne ? Doit-on s’attendre à une remise en cause fondamentale de la solidarité européenne, voire à un « germanexit », à l’image du Brexit ou d’un « Frexit » que quelques-uns en France aimeraient voir se produire ?
Il est vrai que les Allemands se regardent volontiers comme la vache à lait de l’Europe, le peuple travailleur et discipliné qui doit payer les frasques de l’Italie chantante et de la France dépensière. Pour autant, il est peu probable que l’incident soulevé par la Cour de Karlsruhe aboutisse à une véritable rupture, et ceci pour deux raisons.
D’abord, n’oublions pas que, dans l’Union européenne, les institutions européennes dominent les institutions nationales : si donc il doit y avoir une querelle entre les deux, c’est l’européenne qui aura légalement le dernier mot.
Une Allemagne avantagée
Ensuite parce que, contrairement à ce qu’avait imaginé M. Mitterrand en signant le Traité de Maastricht en 1992, l’Europe a bien mieux profité à l’Allemagne qu’à la France, et plus encore qu’à l’Italie. L’Allemagne, plus compétitive, y a été bénéficiaire pour 2.000 milliards, quand la France y a perdu 3.600 et l’Italie 4.300 milliards d’euros. Soit 23.000 euros de gain pour chaque Allemand, contre 56.000 de pertes pour chaque Français et 73.000 pour chaque Italien.
Il en est du coût de l’Europe pour l’Allemagne ce qu’il en a été – inversement – du coût de la colonisation pour la France : la réalité est le contraire de ce que croient les opinions publiques. L’Union européenne est une bonne affaire pour l’Allemagne, qui y trouve un marché ouvert où son industrie et son commerce règnent sans contrainte. Il serait donc contre-productif pour l’Allemagne d’envisager se sortir de ce système si avantageux pour elle.
En revanche, chat échaudé craignant l’eau froide, il est bien possible que la politique européenne d’assouplissement monétaire, qui affaiblit la rente créancière des retraités allemands, soit freinée par le coup de semonce de Karlsruhe. Avec les conséquences que cette discipline pourrait avoir sur l’Italie, en particulier, principale perdante de la zone euro.
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