Le pouvoir de l’information
On sait que l’information est un pouvoir, et un pouvoir qui augmente à mesure que les sociétés se modernisent et se rendent dépendantes des connexions. Nous n’oserions dire : « Qui informe commande », mais ce ne serait pas si éloigné de la réalité, car l’informateur a ce pouvoir exorbitant de rendre les événements et les hommes visibles ou invisibles : cette différence de statut peut décider non pas tant de l’avenir, mais certainement du sort de ces mêmes événements et de ces mêmes hommes. En quelque sorte, nous pouvons dire que l’information est créatrice, elle a le même pouvoir que celui que l’Egypte antique donnait au verbe, disposant que l’écriture ou la forme donnait vie à ce qui était proclamé ou représenté. Autrement dit, un événement a pu se produire, mais ses conséquences dépendront largement de l’information qui en aura été donnée : ce constat met en valeur le pouvoir de l’informateur sur l’acteur de l’événement.
Mettons face à face, d’une part ce que nous pouvons dire de l’information, et d’autre part un enseignement tiré de Marx, disposant que l’évolution de nos rapports sociaux, en l’occurrence, de nos rapports de forces, dépend de l’évolution de nos outils de production. C’est à n’en pas douter un trait de génie que d’avoir fait cette découverte conceptuelle, dont on peut se servir comme d’un outil de compréhension de toutes sortes de phénomènes.
Marx prenait comme exemple la meule qu’il fallait actionner pour écraser de blé et en tirer la farine. Sous l’antiquité, il fallait se servir de la force humaine pour faire tourner la meule, et selon le business model général, répandu par toute la terre, cette force humaine était celle des esclaves. Mais, poursuivait Marx, dès lors que le moyen-âge – que par ignorance on croit régressif alors qu’il était au contraire un âge de progrès technique – dès lors que ce moyen âge a inventé, entre autres nouveautés, le moulin à vent et le moulin à eau, exploitant donc non plus la force humaine mais celle, infinie, des éléments naturels – le vent et l’eau – l’achat et l’entretien des esclaves devenait inutile, ce qui arrangeait d’autant plus le système social que le temps était passé des conquêtes romaines où l’on pouvait s’emparer des prisonniers de guerre pour les réduire en esclavage. Ainsi, concluait Marx, ce que nous regardons, certes à juste titre, comme un progrès moral : l’abandon – d’abord en Europe – de cette institution de l’esclavage, était en réalité le fruit d’une évolution de nos moyens de production… Bon, le raisonnement était un peu systématique, il se refusait à admettre la bonne volonté gratuite des hommes, mais il n’en était pas moins vrai.
Le caractère créateur de l’information
Nous pourrions citer d’autres exemples tirés de notre expérience contemporaine, par exemple celui de la force de frappe qui, pour être crédible, exige un pouvoir de décision rapide, donc monarchique, par-delà toute adhésion théorique à un modèle politique plutôt qu’à un autre ; mais si l’on s’en tient au seul phénomène de l’information, c’est un phénomène inverse que l’on observe. Le cas des événements actuels en Iran, qui se rapprochent d’une véritable révolution sans qu’il soit encore possible de les qualifier ainsi parce que le point de bascule n’est pas atteint, est tout à fait significatif : jamais un événement de cette importance n’aura fait l’objet d’un tel silence de la part des médias étrangers, mais l’évolution des moyens d’informer, en l’occurrence l’invention du téléphone portatif équipé d’une caméra, permet aux acteurs de l’événement de faire connaître leur action au monde : un phénomène de partage du pouvoir d’informer qui réduit le pouvoir des organismes officiels au profit des peuples. On ne peut voir aucun reportage, mais on peut visionner des selfies tournés par les particuliers dans la rue. C’est en somme le contraire de l’information confisquée par les médias à propos de la guerre ukrainienne phénomène typique de la propagande en vigueur dans toutes les guerres. Dans un cas comme dans l’autre, on observe le caractère pour ainsi dire créateur de l’information.
Sources :
Dynamiques des modes de production et des ordres sociaux
La BBC identifie plus de morts lors de manifestations en Iran
La politique de dissuasion nucléaire française
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