SANCTIONS, L’ARROSEUR ARROSÉ
L’invasion de l’Ukraine par la Russie a entrainé une déclaration de guerre économique de la part des pays occidentaux, comme une sorte d’arrosage de sanctions sur le pays envahisseur. Nous ne les rappellerons pas ici en détail, mais il n’est pas inutile d’essayer de comprendre comment elles peuvent se retourner contre leurs auteurs, bien plus sûrement même qu’elles n’affecteront le pays visé.
LES SANCTIONS DE LA RUSSIE
La Russie voit la moitié de ses réserves gelées par la confiscation de ses euros : oui, ses euros, car elle n’avait conservé que 4% de réserves en dollars. Le reste est majoritairement libellé en yuans chinois, en yens japonais, enfin en or, pour 25%, après des années passées à en importer des quantités. On estime qu’elle a deux ans de réserves devant elle, quand l’Europe n’en a que pour quelques mois.
La Russie n’a plus accès au système de transactions Swift, mais ses clients européens, qui ont absolument besoin des énergies russes (gaz et pétrole) ont demandé à leurs gouvernements de faire une exception pour les transactions de cette nature. Or, c’est précisément dans ce secteur que la Russie assure le principal de ses recettes, donc cette exclusion n’a pas grand sens.
La Russie est exclue de toute transaction libellée en dollars. Rappelons que 85% du commerce international est libellé dans cette monnaie : les Etats-Unis ont pensé que leur interdiction pénaliserait gravement leur adversaire. En réalité, le coup frappera aussi sûrement, sinon plus, l’Europe que la Russie. Prenons une hypothèse d’école.
LES RÉPERCUSSIONS DES SANCTIONS DE LA RUSSIE
En janvier dernier, une entreprise allemande a passé commande de pétrole à la Russie. L’acheteur et le vendeur se sont entendus sur une transaction à terme portant sur 80 dollars le baril. La transaction s’est faite par l’intermédiaire d’une banque qui a pris une assurance pour couvrir les risques. Notons que derrière les marchés existe une constellation d’assurances sur le risque, atteignant à peu près trois fois le PIB mondial. Depuis que la Russie ne peut plus utiliser le dollar, elle ne peut donc pas vendre son pétrole à l’entreprise acheteuse, qui donc doit se rabattre sur les marchés, mais au comptant, c’est-à-dire non plus 80, mais, depuis la guerre, 117 dollars le baril (ce qui, au passage, aggrave la hausse du prix le pétrole, donc la récession, car une hausse des prix du pétrole provoque une augmentation des impôts). Dans cette affaire, qui trinque d’abord ? La banque qui a servi d’intermédiaire et de garant et qui doit cet argent à l’acheteur pour payer le produit russe. Avec un saut de 80 dollars le baril à 117, la banque va beaucoup souffrir. Mais quelle banque, au fait ? Les plus importantes sont françaises : BNP, Société Générale et Crédit Agricole qui, on ne le sait pas assez, sont parmi les plus exposées à ce coup porté à l’activité d’intermédiaire bancaire. Ainsi, il ne suffit pas de savoir que la France est la moins dépendante du gaz russe (11% contre 55% pour l’Allemagne) pour se rassurer sur l’impact des sanctions, sans parler du fait qu’elle est le premier employeur étranger en Russie : Total, Alstom, Leroy-Merlin, Décathlon, Auchan, ou encore Renault qui y réalisait 20% de son business et dont l’action s’effondre mécaniquement aujourd’hui.
Donc, l’Allemagne, la France… C’est tout ? Non : perturber les livraisons de blé de la Russie, troisième producteur mondial, provoquera une inflation au Maghreb, dont le plat traditionnel, depuis la plus haute antiquité, est le couscous à base de blé : autant d’impacts auxquels on ne pense pas toujours quand on déclare une guerre économique…
Sources :
• https://fr.wikipedia.org/wiki/Sanctions_contre_la_Russie
• https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/sanctions/restrictive-measures-ukraine-crisis/
• https://www.alternatives-economiques.fr/erica-moret-sanctions-contre-russie-precedent/00102515
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